El Teide à Ténérife : la randonnée... de la mort

Ténérife fut pour nous l'occasion de nous remettre un peu à la randonnée. 

L'île est pleine de sentier de rando aux paysages somptueux et aux difficultés diverses. 

Et dans le parc d'El Teide s'en trouve parmi les plus belles de l'île. Que l'on souhaite grimper sur le volcan ou simplement marcher tout autour, il y a de quoi faire pendant plusieurs jours. 

Et nous ce jour là, nous avions prévu de faire un petit quelque chose. Un truc de 4 ou 5 heures, avant de faire plus fort le lendemain. Une mise en jambe quoi.

C'est donc plein de motivation et d'énergie que Manue et moi nous sommes rendus au centre d'information d'El Portillo dans le parc pour demander conseil. Quelques instants plus tard, nous ressortions encore plus motivés, avec la promesse d'une jolie balade de 5h concoctée par une des "rangers", avec ce qu'il faut de dénivelé pour tirer un peu sur les cuisses. Rien de méchant quoi.

ACHETER

Quelques kilomètres plus loin et dizaines de minutes plus tard, nous avions déjà engagé la marche, et étions... comment dire, frais et motivés.

Accompagnés d'un petit sac à dos contenant la carte de notre randonnée fournie par le parc et d'un thermos de 50cl (oui on sait, c'est pas assez...) plein d'une eau fraiche que l'on n'imaginerait pas devenir le centre de toutes nos préoccupations (cauchemars ?), nous étions heu-reux. 

Il faut dire que la randonnée était superbe. Ici et là d'étranges formations de roches volcaniques, parfois petites, souvent énormes, dans lesquelles on s'amusait à jouer les explorateurs.  Après une petite heure de marche où n'avions croisé que 2 personnes, nous nous trouvions au pied de la première grimpée un peu importante. Environ 500m de dénivelé pour arriver à la crête de la Montana Guajara qui allait nous offrir une vue imprenable sur le parc et le volcan El Teide.

ACHETER

On a eu un peu chaud (il était midi environ), ça commencait à tirer, mais environ 40min de grimpette plus tard, on arrivait en haut. Où la soif commencait à se faire sentir.

Alors on a bu l'équivalent d'un petit verre d'eau chacun. De toute facon, les 50cl de notre thermos n'offraient pas grand chose alors autant faire un peu attention. Nous étions officiellement à la moitié de notre randonnée. Enfin ça, c'est ce que l'on pensait.

Alors on a mangé et repris un peu d'eau. Tranquilou. Les malheureux... 

Tandis que le soleil commençait à serieusement taper, que les arbres se faisaient quasi inexistants, Manue et moi avancions gaiement au gré des paysages qui se suivaient sans jamais se ressembler. C'etait incroyable.

Ici nous étions sur de la roche grise, là on longeait un chemin de crête offrant une vue imprenable sur le parc, au détour d'un virage on se retrouvait dans une foret de pins, ou encore là nous nous retrouvions au milieu d'une colline toute noire foncée, sans rien d'autre qu'une sorte de petit gravier à perte de vue tout autour.

Et après une petite pause où nous finissions tranquillement de boire notre seule et unique petite gorgée d'eau, on reprenait notre chemin qui semblait redescendre tranquillement.

ACHETER

Bref, nous serions au bout de cette chouette randonnée d'ici 1h. Easy. 

A peu près. Sauf que...

Il était environ 16h lorsque l'on a commencé à se dire un truc du genre : 

"C'est bizarre, on se retrouve pas sur cette fichue carte. Et puis comment ça se fait qu'on a déjà marché 5h, bu toute notre eau, qu'il fait encore très chaud et qu'on commence à avoir franchement soif alors qu'on devrait quasiment être rentré". 

Ce qui en substance donnait ce genre de dialogue : 

Manue : "J'arrive pas à voir où on est, y'a rien qui est indiqué sur cette carte" 

Seb : "Attends, fait voir. On est là non ? Ah non attends, ici peut-être ? Hum c'est clair, elle est pourrie ta carte... C'est quoi ça, c'est un sentier ?!"

(entre temps, Manue ouvre son tel, et comme heureusement ya du service, elle ouvre Google Maps), ce qui donne un truc du genre : 

Manue : "Put**n, mais je capte pas, on voit rien sur Google Maps, rien n'est détaillé. Y'a pas les sentiers." 

Seb : "Ouvre Plan d'Apple j'te dis, c'est pourri Google Maps. Vazi moi aussi je regarde le mien. D'ailleurs c'est chelou pourquoi ya personne sur ce sentier."

(après avoir rien capté non plus via Plan d'Apple) : 

Manue : "Mais attend, on est vachement plus loin là, on est carrément sorti de leur carte, on n'est pas du tout, mais pas du tout sur le bon sentier. On fait quoi là ?!" 

Seb : "Atteeeeends, jte dis. Mais oué, c'est clair comment on a fait pour arriver là. Ok les gars, on était tellement absorbé par papoter et regarder les paysages qu'on est completement sorti de notre randonnée pour emprunter un autre chemin".

Petit vent de panique. 

Manue : "Nan mais regarde, on est à 15km de la fin de notre rando en fait. Et à 12km du village le plus proche (qui lui même était à 20 km de notre voiture)." 

Seb : "Wow. Ok. Donc là faut qu'on arrête les conneries. C'est chaud. En plus j'ai soif, bordel. Ca va être chaud de faire 15 bornes là." 

Manue : "Mais coeur on va faire comment ?!" 

Voilà donc, comment en l'espace de quelques instants nous passions d'une petite rando cool à l'une des pires experiences de notre vie. Si si. 

A ce moment là, on se rend compte qu'il y avait un peu plus haut un mini sentier, qui couperait à travers les montagnes pour rejoindre notre point de départ, à environ 5km de là. Et c'est donc en ayant vraiment soif qu'on s'est dit qu'on allait passer par là.

On a grimpé environ 600m assez difficile (ça montait sévère) pour finalement se prendre un peu la tête et... redescendre.

Manue pensait qu'on pouvait reprendre notre route ou revenir en arrière. 

On est donc redescendu (plus simple), puis revenu au point où nous avions découvert qu'on était loin de tout.

On reprenait donc la carte, nos applications et la tension commençait à monter.

Le temps passait, la soif devenait VRAIMENT incommodante (et flippante quand tu te sais loin de tout).

Et 10 minutes plus tard, nous retombions d'accord pour couper à travers la montagne. 

Enfin Manue était plus motivée que moi, moi je commençais à sérieusement flipper.

Rebelotte, on grimpe et on passe la barre des 600m lorsque notre mini sentier, à peine visible au sol, passait à travers quelques arbres (tant mieux, ca faisait un peu d'ombre). Le coeur battait vite à force de grimper ici à 2100m d'altitude, je commençais à avoir mal au crâne et nos lèvres toutes sèches nous faisaient mal (ce qui ne m'arrive jamais).

Mon esprit commençait réllement à tourner en rond. J'ai soif. Mais soiiiiiif. 

Je demande à Manue de me filer la seule chose qui me parait contenir un peu de liquide, ou qui pourrait me réhydrater juste un petit peu. Rien qu'un peu... soit une banane qui trainait au fond du sac (encore une bonne idée tiens).

L'instant d'après, j'avais encore plus soif, ce truc etait trop sucré bordel...

Bon allez, plus que 4km. Et peut-être 300m de dénivelé à grimper. 

Environ 20 ou 30min plus tard, nous n'avions définitivement plus de signal sur nos téléphones, on continuait à grimper et à flipper. Pour arriver à environ 2200m de hauteur. Et plus d'arbre. Et c'est là que l'énorme panique a commencé à nous gagner.

Devant nous, une sorte d'Everest (enfin c'est l'impression que cela nous donnait) à grimper, qui avait jusqu'alors été caché par les arbres. Immense, sans ombre et loin de tout signal téléphonique. Derrière nous, le sentier qu'on avait emprunté, qui ne nous mènerait qu'à notre point où nous avions compris qu'on s'était paumé. Au mieux à 12km d'un quelconque point d'arrivée... et la nuit qui n'allait pas tarder à tomber.

Alors paniqués et dépités, Manue et moi décidons de redescendre. 

Avec la ferme intention de revenir sur notre sentier et d'appeler des secours dès qu'on aurait du signal. Sauf que là, le signal était completement inexistant. Comme notre eau.

Et donc, comme si tout cela ne suffisait pas... je sais pas comment on a fait. On a perdu ce truc de 5cm de large qui nous servait de sentier. Impossible de le retrouver, on se retrouvait désormais au milieu de rien, putain.

Rien de rien, j'avais beau chercher devant moi en courant dans tous les sens, rien, nada. A perte de vue devant nous, cette horrible roche volcanique et ces buissons de merde. Parce qu'à ce niveau de soif et de flippe, tout ce qui t'entoure c'est de la merde. Sauf une bouteille d'eau :) 

Et pendant environ 15min, les pires de ma vie, je déambulais à environ 200m devant Manue, en cherchant le chemin et en gueulant des trucs du genre "T'inquiète, je crois que je le vois là le chemin, oui il est là-bas !!!!". Et évidemment, je ne voyais rien, c'était juste histoire de la rassurer un peu.

A un moment, je me dis tiens, et si je criai comme un dératé, peut-être que quelqu'un nous répondrait un truc du genre :

"Ok guys, I'm here, with a gallon full of fresh water. Just for you"

Alors j'ai gueulé. Fort. Un bon vieux "Heeeeeeeelp".

Et au final, pour seule réponse, je n'ai eu que mon propre écho. Désésperant. 

Et à un moment, croyant retrouver mon chemin, j'arrive devant... un (putain de) précipice. Fallait qu'on descende vers le bas, mais en se perdant on s'est retrouvé devant un gouffre infranchissable. Et toujours pas de réseau. L'enfer. Voilà on est fichus.

A ce moment là, j'avoue que j'ai entrevue la possibilité de crever là, comme un con, avec ma nana. Tout secs. Je sais pas moi, tout secs comme des pruneaux tu vois. Là, Et si ça se trouve ya des bestioles qui viendraient nous becqueter.

Voilà donc un peu l'état d'esprit du moment. Entre panique et désorientation. 

Chose étonnante, à etre aussi stressé, je ne sentais pas à quel point je me suis griffé le bas des jambes avec les buissons qui piquent. Tu sens rien, t'es tellement ailleurs.

Bon, peut-être sommes nous nés sous une bonne étoile. Toujours est-il que j'ai fini par retrouver ce sentier, enfin sentier on s'est compris, cet espace de minuscule chemin qu'à part nous deux, personne ne semblait emprunter. Alors on est redescendu fissa, à la recherche d'un signal de téléphone. 

Et ce n'est qu'une demi-heure plus tard que le Saint Graal est venu. Là, tout à coup, 1 petite barre apparaissait sur le téléphone et pas cette saleté de "Recherche...".

Ni une ni deux, j'ai appelé le 112. Pour la première fois de ma vie. Alors on a continuer à descendre, réussi à expliquer le souci à notre interlocuteur très rassurant au passage. Et environ 2km plus bas, et 1h d'attente, juste avant l'arrivée de la nuit, un 4x4 avec nos héros sont venus nous cueillir, là, assis sur un bout de rocher, crevés, assoiffés... mais désormais rassurés.

Et les 15km que nous aurions du faire sans eau, dans la nuit, sans lumière ni veste, on les a fait avec eux, en 4x4. Environ 1h30 plus tard, nous revenions à notre petite maison qu'on avait loué, on allumait le poële et on repensait un peu hébétés à cette drôle de journée. 

Entre inconscience (qui part avec 50cl de flotte ?!), manque de bol et coup de flippe, cette journée allait définitivement nous marquer pour le reste du séjour et le reste de nos vies.

Désormais, on se l'ai promis, ça sera 2 bouteilles de flotte, une lampe frontale minimum et probablement un peu plus d'attention lors de nos pérégrinations. Histoire de pas revivre ça une deuxième fois.