Un soir, au souk d’Assouan

On a encore quelques petites choses à vous dire sur l’Egypte, ce pays qui nous manque déjà, à peine quelques semaines après l’avoir visité. Comme ce soir où l'on a découvert la gentillesse des égyptiens, faisant définitivement taire nos préjugés...

Lorsque nous sommes allés en Egypte, nous avons eu l’occasion de faire plein de choses qui nous ont étonné. Il y a eu des moments de grâce, à poser les yeux sur le Nil, ce fleuve berceau d’une des plus belles civilisation de l’humanité. Il y a eu ces sites de l’Egypte et même cette balade au Caire et ses pyramides, immenses. On ne va pas revenir dessus hein.

Mais pas seulement. Car au delà de ce qu’un voyageur peut attendre d’un séjour en Egypte, il y a aussi ces choses auxquelles tu ne t’attends pas. Comme ce soir où nous étions en train de nous balader dans le souk d’Assouan.

Pour te donner une vague idée, l’Egypte est tristement boudée par les touristes. Les égyptiens que tu croises gardent la tête haute évidemment, mais tu sens bien qu’il y a de la tristesse au fond, un truc pas mérité qui leur tombe dessus. Alors ils font comme ils peuvent, ils essaient de t’alpaguer, de te charmer, te faire rire, juste pour que tu t’arrêtes un instant et que tu leur achètes les 3 conneries qu’ils ont en main. Et toi, touriste lambda, tu les regardes à peine. Tu laches un “non merci” à longueur de temps, sans même regarder ce qu’ils te proposent.

ACHETER

Et ce soir là, à Assouan, alors que ça faisait une semaine qu’on se baladait dans le pays, un vendeur d’une trentaine d’années me demande si je veux bien venir voir ce qu’il vend, comme des dizaines tout au long de ce voyage. Je lui lâche un non merci, trop soucieux de chercher à économiser les quelques pièces que j’ai au fond de la poche.

Jusqu’à ce que j’entende un “aidez nous s’il vous plaît”.

Cette phrase, bizarrement, m’a fait faire demi tour. C’est peut-être un truc qu’il rabache à longueur de temps, mais ça m’a interpellé, fait sortir un peu de ma position de bon vieux touriste à qui on ne l’a fait pas. Je me suis donc retourné, vu son visage et finalement lui ai demandé de m’accompagner à sa boutique.

Évidemment, rien de transcendant, alors j’ai voulu me rabattre sur un chèche (foulard touareg), après tout, autant me prendre un truc du pays (qui s'avèrera ne pas en être un).

Et puis j’ai vu sa main, et remarqué une jolie bague à son doigt. Après quelques mots échangés sur cette bague, il décide de m’accompagner dans une boutique, au fond d’une ruelle plutot sombre et sans personne. A cet instant, les potes (et Manue) sont encore loin de là, en train de parler et sûrement se demander ce que je foutais.

Dans cette toute petite boutique, se tenait le gérant, et 2 mecs d’une vingtaine d’années, qui avaient l’air étonnés de me voir arriver. S’en est suivi tout un tas de questions, négociations avec le vendeur qui m’a amené dans cette boutique, qui avait l’air décidé de se faire une petite marge sur la vente de la bague. Quelques mots en arabes avec les mecs, un prix qui me parait un peu farfelu, et au final le patron de la boutique qui regarde la scène d’un air amusé, sans rien dire.

Finalement, je trouve une bague qui me plaît, mais faite à priori pour une femme vu son diamètre. Et là, le gérant me demande si je veux la faire agrandir, ce à quoi je réponds par l’affirmative, en étant persuadé que ca voulait dire 3 ou 4 coups de marteau pour étirer le bordel tout droit importé de Chine.

Un des jeunes a donc pris la bague et monté un petit escalier. Et le gérant de me regarder en me demandant si je voulais aller voir l’atelier.

Première réflexion : non ce n’est pas de la camelote. Ils ont un vrai atelier, et je sais pas trop où je m’embarque, mais j’y vais.

Et là, j’arrive dans un truc bas de plafond, en bordel, mais qui s’avère etre un vrai atelier. Des vieilles machines, un peu partout, des chalumeaux, et tout le tralala. Et l’un des 2 jeunes qui sont montés avec moi se mit à bosser. Devant moi.

Le spectacle fut extraordinaire. En l’espace de 10 minutes, il coupa la bague, fit fondre de l’argent, recolla un morceau, affina la jointure, polissa sans jamais s'arrêter. Devant moi, là, je découvrais un mec heureux de me montrer son savoir faire. A chaque phase, c’était plein de fierté qu’il s'arrêtait pour que je fasse quelques photos.

Seconde réflexion : la dextérité du mec, la classe devant moi qu’il a de faire ça. Et impossible de leur dire toute mon admiration. Ils ne parlaient pas francais, je ne parlais pas arabe. Mais le spectacle fut de toute beauté. Aussi beau qu’un coucher de soleil sur le Nil.

Alors je suis reparti quelques instants plus tard avec une jolie bague. Et surtout un émerveillement, d’avoir vécu un beau moment. Ca s’est joué à rien, à une phrase d’un égyptien. A une demi seconde de réaction de ma part, à une bague que j’ai vu sur un doigt. Et aujourd’hui, cette bague est sur ma main. Voilà pour la petite histoire.

Et au final ?

L’Egypte est un pays surprenant. Les egyptiens un beau peuple.
Et nous les touristes, peut être un peu trop peureux, pas assez “solidaires”. Parce que c’est peut être surtout ça d’être un voyageur. Ce n’est peut être pas seulement se laisser embarquer dans des endroits parfois trop aseptisés, que l’on nous sert sur un plateau d’argent. Non. C’est aussi aller au delà des préjugés et peut être plus que jamais ne pas laisser tomber ces pays que l’on boude pour des raisons pas toujours fondées…

Rien que pour nous avoir permis de vivre ça, merci à Voyageurs du Monde.